Hébé, Iris, Eunomia, Parthénope

Guido Reni l'Aurore

Je m'intéresse sur ce blog à quelques figures mythologiques auprès desquelles ont été tirées les noms des Planètes, Etoiles et autres objets de l'Univers céleste observable
Nous savons tous que dans les différents mythes s'est exprimée en grande partie l'imagination plus ou moins amusante et naïve, tantôt même avec une rare poésie, des peuples dans leur enfance. Toutefois, j'essaierai le plus possible de tourner mon attention, non pas vers le récit de détails et d'évènements anciens quelconques mais plutôt vers les récits qui traduisent une idée générale humaine et qui se rajeunit éternellement et continuellement.
Car je pense, comme Jung que les mythes sont l'expression de l'inconscient. Ils permettent de rendre compte de la vie des archétypes en même temps qu'ils sont une représentation imagée de nos sentiments et de nos épisodes de croissance.







Hébé


Hébé, déesse adorée des Grecs, personnifiait le principe de la jeunesse. Principe qui ne laisse personne indifférent encore aujourd'hui ! Surtout s'agissant de l'apparence physique. Mais nous allons voir que les puissances de la jeunesse, du point de vue de la psychologie des profondeurs, peuvent être interprétées d'une tout autre façon.
Fille de Zeus et de Héra, Hébé incarne donc la déesse de la jeunesse qui servait à boire la boisson de l'immortalité aux dieux pendant les banquets. Sur l'Olympe, elle est aussi un peu "la fille de la maison", aidant Héra par exemple à préparer son char, l'accompagnant dans les différentes tâches quotidiennes. Elle aidera à la toilette de son frère Mars, le dieu de la guerre, dont elle soignera plus tard également les blessures.
Hébé offre un des aspects de la jeune fille divine qui se vit heureuse, épanouie et réalisée -ne possède-t-elle pas, elle-même le privilège d'une éternelle jeunesse ?– Comme le disait Jung, c'est l'accomplissement du sens de l'existence qui est liée à l'idée de l'immortalité. Cela signifie que c'est lorsque nous sentons que la vie à un sens qu'alors celle-ci nous apparaît infinie, éternelle et merveilleuse ; ou tout au moins, ses limites ainsi que ses conséquences sur le physique ne nous posent plus aucun soucis !
Hébé, donc, s'accomplit en particulier en apportant son aide précieuse là où les difficultés de l'existence quotidienne le réclament – et cela même à l'intérieur de la société divine de l'Olympe ! La figure mythologique d'Hébé symbolise, donc, les forces divines converties en actions et services utiles et réparateurs. Elles sont divines, en ce sens, qu'elles viennent de l'inconscient et qu'elles se renouvellent en permanence – ce qui correspond au sens symbolique de l'éternelle jeunesse -. Le symbole du Verseau procède aussi de la même idée. Sa cruche déverse l'eau de la connaissance, celle d'Hébé, le principe de la Vie qui fait tout reverdir, et rajeunir.
Enfin, son équivalant romain est Juventas laquelle a une connotation plus politique et se trouve associée à la jeunesse de l'Etat qui toujours se renouvelle et refleurit.






Iris


Rainbow girl de Josephine Wall
Iris était dans le monde antique grec, la messagère particulière du couple royal et divin, Jupiter et Héra. Déesse coursière et médiatrice entre les dieux et les hommes, elle était représentée vêtue d'un voile au couleur de l'arc-en-ciel qu'elle déployait dans les airs. Le voile était aussi connu sous le nom "d'écharpe d'Iris". L'arc-en-ciel pour certains matérialisait la trace du pied d'Iris descendant rapidement de l'Olympe.


Messagère aux pieds prompts donc grâce surtout au pont de l'arc-en-ciel, on la disait dotée d'ailes d'or, symbole dénotant de grandes qualités spirituelles ! Cette déesse était, en effet, capable de se mouvoir dans les deux mondes, celui du ciel et celui de la terre.
Iris aux pieds rapides était également très proche d'Héra. Cette dernière était sous la garde affective d'Iris, jour et nuit. On rapporte par exemple qu'Iris dormira sous le trône d'Héra, toujours chaussée et prête à expédier d'éventuelles missives aux mortels. Cela fait étrangement penser "aux courriers" montant de l'inconscient que nous recevons la nuit au cours des rêves !
Enfin Iris s'occupera aussi des affaires personnelles d'Héra. Elle lui fera son lit, l'aidera à faire sa toilette. Elle la parfumera également.
Du point de vue de la psychologie profonde de l'âme, Iris représente les échanges qui peuvent s'établir entre le moi conscient et les étages supérieurs de l'âme (représentées ici par Jupiter et Héra). Iris est en quelque sorte la voix de l'âme qui émane de l'inconscient, en particulier la voix de nos parents intérieurs, pris non pas en tant qu'imagines, mais en tant que puissances de l'âme à l'état pur, c'est-à-dire dépouillée de tout bagage collectif ou impersonnel.
Iris personnifie également l'aide essentielle que constitue l'écoute intérieure qui doit déboucher normalement sur une attitude du moi différente. Iris sert en quelque sorte d'intermédiaire entre le dessus de l'arc-en-ciel, (le ciel ou l'Olympe, figure de la personnalité supérieure) et le dessous de l'arc-en-ciel, (la terre où demeurent les humains, et le moi conscient donc). Enfin, l'aide intérieure d'Iris appartient aux contenus spirituels de la psyché, d'où les ailes d'or et la lumière magnifique de l'arc-en-ciel ornant la déesse.










Eunomia




Eunomia était l'une des jeunes filles formant le groupe des Heures, en grec : Orai. (on dit aussi les Hores). Les Heures furent des divinités qui accompagnaient les Dieux et certains Héros. On les voit à gauche, ci-contre, entourant le char d'Hélios, placées en ronde, se donnant la main, la marche légère et scindant ainsi les activités humaines. Les Hores personnifiaient les différentes périodes de l'année, des saisons et des heures de la journée. Comme le saucissonnage des périodes de temps dans l'année a varié, leurs nombres aussi. On en compta trois, puis quatre, puis dix, puis douze. On les nomma d'ailleurs "les 12 sœurs". Elles sont donc étroitement associées aux rythmes des activités et des productions saisonnières.
Les Hores veillaient également à l'ordre moral ; Eunomia s'occupait tout particulièrement de la bonne observation des lois. Eunomia en grec signifie la légalité. Déjà, la mère des Hores, Thémis, était chargée de veiller à la stricte observance par les citoyens de l'ordre légal établi. À notre époque, les lois qui fixent l'ordre établi s'appuient majoritairement sur la morale et "les bonnes pratiques". L'attitude morale dictée entre autres dans nos sociétés par les lois permet d'endiguer ainsi le flot incontrôlé de la nature impulsive et instinctive de l'homme. Que l'on songe néanmoins que nous sommes entrain de parler de lois morales qui n'ont de validité qu'à l'intérieur d'un groupe donné. À l'intérieur de la psyché, il n'est pas du tout approprié de parler de loi morale, ni d'ordre établi. On parlera plutôt d'instinct moral, ou de composantes bienfaisantes ou bien encore de nature morale innée, fondée sur l'accord avec les lois naturelles. "Laissez donc faire ces lois et tout ira pour le mieux, et pour vos besoins en nourriture terrestres, et pour l'ordonnancement juste et équilibré de l'existence en groupe" coulent, il semblerait, comme une fontaine fraîche, ces mots de la bouche des Hores. Nous savons par exemple combien ces très belles divinités respiraient l'allégresse, la bonne humeur, et l'insouciance confiante, dansant en compagnie des Muses et des Grâces. Elles passaient de même, leur temps à tout embellir : le char d'Héra, le cortège d'Aphrodite ; on dit même que quand Zeus envoya sur terre Pandore pour la perdition des hommes, les Hores s'appliquèrent à en rehausser les attraits en la coiffant de guirlandes fleuries.
Quelle différence d'ambiance, ressenton-nous en la présence des Hores, entre la loi intérieure qui a bien été intégrée et la loi qui s'exerce à l'extérieur, par exemple, dans les palais de nos institutions judiciaires !











Parthénope



Qui n’a jamais rêvé de trésor fabuleux caché au fond des mers ? Tel le mystère de l’île enfouie qui porte le nom magique de l’Atlantide. De même que pour les pêcheurs, dans les profondeurs de l’océan résident des espèces rares et recherchées, que ceux-ci espèrent traquer avec des leurres, hameçons et filets. Ils partent avec l’espoir de prendre du poisson rare, mais, la plupart du temps, inconsciemment ils sont en quête de cette parcelle de sacré qu’ils portent en eux ou dans leur inconscient, lieu symbolisé par les profondeurs de l’eau. Ne dit-on pas que « L’immensité marine est riche de promesses »…
Les contes et les légendes initiatiques nous apprennent également que de nombreux monstres marins, dont les célèbres sirènes peuplent la profondeur des eaux de l’océan.
Parthénope, dans la mythologie grecque en est un exemple entre beaucoup d’autres. Parthénope vient du grec parthénos qui signifie « jeune fille » et en particulier vierge. D’où le lien que l’on peut établir entre Parthénope-la sirène- et le Parthénon, le nom du temple grec de la Déesse vierge Athéna.
Parthénope la sirène possédait un visage de jeune fille et faisait partie des divinités malfaisantes et naufrageuses. Comme elle demeurait souvent sur les bords de la mer, elle représente sans doute un élément du principe féminin proche de sa manifestation humanisée. Nous savons que les sirènes charment les marins par leurs chants mélodieux et envoûtants. Cherchant à capturer ainsi leur attention pour pouvoir mieux les tuer. Il s’en est fallu d’un cheveu d’ailleurs pour qu’Ulysse devienne une victime de cet ensorcellement. Heureusement que ses compagnons ont bien pris soin de le maintenir attaché au mât de son navire. Durant cette épreuve, Ulysse préféra le chant d’Orphée au chant ensorceleur de la sirène Parthénope. On raconte à ce sujet que le chant d’Orphée a permis d'enlever tout pouvoir hypnotiseur aux chants des sirènes. Parthénope, très éprise d’Ulysse fut fort vexée de cela et préféra se jeter à l’eau et mourir à l’endroit où il est dit que la ville de Naples fut érigée – Neapolis – étant son nom grec et signifiant « cité nouvelle ».
Sur la plan psychologique, les sirènes représentent une image de l’anima. L'anima est le terme que Jung a adopté pour désigner l'élément féminin inconscient dans l'homme.
L’anima, comme chaque élément psychique inconscient, présente un aspect à la fois merveilleux et terrible. Parthénope la sirène dédaignée personnifie en particulier l’échec à n’avoir voulu faire exister que l’aspect trop instinctif de l’anima. À savoir son aspect attractif, captivant mais dangereux.. La sirène possède un corps mi-humain et mi-animal. Elle incarne ainsi une forme en cours de transformation. La forme animale et inconsciente de l’anima s’exprime dans l’existence humaine par ce qui trompe, parce ce qui captive, qui illusionne, qui intrigue ; les douteux filtres des sorcières en sont une autre illustration possible. L’inconscient féminin possède en effet, aussi cet aspect espiègle et magique. Parthénope dans le mythe grec figure l’arrêt de ce comportement qui donnera lieu à une nouvelle naissance. Si d’ailleurs le chant ensorceleur se trouve masqué dans le mythe par le chant hautement mélodieux et harmonieux d’Orphée, c’est sans doute parce qu’Orphée fait référence à un autre archétype ; en l’occurrence à l’archétype du sage, ou à celui du sens comme le disait Jung ; autrement dit à ce qui est proche du principe du mage, de l’illuminateur, de l’instructeur, du maître etc. J’exprime ici très succinctement l’aspect positif de l’archétype du sage, que symbolise l’image d’Orphée. Cet archétype, lorsqu’il s’exprime positivement peut contribuer, semble nous dire le mythe, à mettre un terme au processus de séduction féminine auquel risque de succomber de nombreux hommes. L’on peut dire aussi que Parthénope figure l’image de la femme qui après avoir fait mauvais usage de ses instincts, autrement dit qui en est venue à s’en servir afin de s’attirer avec plus ou moins d’inconscience les hommes à elle, décide de battre en retraite et de changer d’attitude. À l’arrière plan du degré instinctif et piégeant de l’être féminin, très peu de personnes réalisent qu’en fait, nous trouvons-la aussi l’expression de l’aspect numineux et attractif de l’anima lequel correspond en fait à cette sagesse cachée, à ce savoir secret que nous possédons en chacun de nous, mais qu’hélas nous avons oublié la plupart du temps.
Parthénope la sirène symbolise ainsi le destin tragique qui attend tout mauvais usage qui est fait des instincts primitifs et charmeurs caractérisant pour partie le comportement féminin, mais tout autant, nous pouvons aussi dire les attentes des hommes. Autrement dit, dans la vie réelle, si l’on ne souhaite pas perdre conscience, car là réside le danger majeur qui menace symboliquement tous marins –ou postulants à l’aventure intérieure - se faisant piéger par le chant des sirènes, il vaut mieux dans ce cas ne pas céder à la tentation d’utiliser les leurres de surface que contient aussi dans sa besace le principe du féminin.







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